Le vent tourne, et c'est tant mieux
Dans un milieu encore imprégné de virilisme, de rapports de force et de domination, une autre voix s’élève. Celle qui écoute, qui observe, qui apprend. Cette article dénonce la masculinité toxique dans l’éducation canine, et célèbre l’émergence d’une nouvelle génération d’éducatrices bienveillantes, compétentes, et courageusement tournées vers le respect du vivant. Pour un métier enfin aligné avec les valeurs d’empathie, de nuance et d’équilibre.
5/19/20255 min read
Depuis quelque temps, j’observe, et je ne suis sûrement pas le seul, une montée de tensions sur les réseaux autour de l’éducation canine. Et franchement… tant mieux, cette tension est nécessaire et symptomatique d'un problème profond, qui reflète notre société pré-postpatriarcat.
Je parle ici de certains éducateurs, souvent très bien installés, avec une communauté forte et nombreuse, qui rejettent tout ce qui s’approche de la bienveillance, du respect du chien, ou même simplement du progrès. Ceux qui hurlent qu’il ne faut pas donner de friandises, qu’il faut réaffirmer son autorité, qu’il faut “affronter les obstacles”, “ne pas céder”... Toujours la même rengaine. Toujours cette peur de perdre le pouvoir. Et toujours les mêmes postures viriles, autoritaires, usées jusqu’à la corde.
Quand je lis ou entends ça, je ne vois pas des éducateurs. Je vois des gens terrorisés par la remise en question. Des gens qui pensent qu'évoluer grâce aux études scientifiques, c'est simplement "se mettre à la mode", mais le pensent ils vraiment ? Ne sentent ils pas simplement le vent tourner, prêt à les écarter définitivement de l'éducation canine ? N'ont ils pas simplement... peur ?
Et cette peur, elle transpire partout. Sur YouTube, sur Facebook, sur Instagram, dans les discours. On sent leur inquiétude face à une nouvelle génération qui fait les choses autrement. Et plutôt que de se poser des questions, plutôt que d’ouvrir un nouveau livre, de lire une nouvelle étude, de tendre l’oreille à une nouvelle manière d'agir... ils attaquent. Ils caricaturent. Ils simplifient jusqu’à l’absurde pour mieux décrédibiliser.
Parce qu’en réalité, dans les faits, dans les preuves et dans les arguments, ils n’ont pas grand-chose à dire. Alors ils hurlent “ultra-positif !” comme on crie au loup. Ils inventent des hommes de paille qu’ils peuvent démonter à coups d’arguments faciles. Comme si vouloir le bien-être du chien faisait de nous des extrémistes.
Je ne suis pas extrémiste. Je suis éducateur. Et je ne veux pas dresser un esclave. Je veux vivre avec un chien, l’aider à trouver sa place, à comprendre le monde, à s’adapter avec ses forces, ses limites et son histoire.
Quand j’entends que pour éduquer un chien réactif ou agressif, il faut “de l’expérience”… je me demande : quelle expérience ? L'expérience de 30 ans de métier ? Celle-là même qui applique les mêmes recettes, à l’ancienne, avec du collier à pointes ou même étrangleur, avec des coups de saccades ? Celle de faire 10 000 chiens à la chaîne sans jamais remettre en question ses méthodes ?
Est-ce que cette “expérience” inclut la capacité à gérer ses propres émotions ? À écouter ? À apprendre ? À communiquer avec le chien avec respect et bienveillance ?
Parce que le savoir, il ne s’hérite pas. Il se travaille. Et le travail dans ce métier il n'est pas uniquement sur le terrain, il est dans ce que nous apportent les dernières avancées et parfois les remises en question de la science...
Je viens du monde scientifique. J’ai fait de la recherche en géochimie marine. Je sais ce que ça implique de produire du savoir. Je sais ce que c’est que de lire des études sérieuses, de formuler des hypothèses, de chercher la nuance. La plupart des personnes dont je parle ne savent même pas ce que c'est que de produire ce type d'énoncé, de s'intéresser à la fiabilité de sa propre étude, d'essayer d'être le plus précis possible sous peine de se prendre une bronca de la part de la communauté scientifique dans un premier temps.
Quelque chose à savoir, une étude scientifique, elle ne parait pas dans "Le Monde, "Le figaro", "Libé", "Charlie Hebdo".. une étude scientifique c'est d'abord dans une revue où ce sont les autres scientifiques qui vont la critiquer et demander des comptes aux auteurs s'ils ont fait une ou des bourdes dedans. Cette discussion là est invisible aux yeux du grand public, qui ne voit que la partie "ultra vulgarisée", voir parfois "mensongère" de certains journaux populaires qui n'ont peut être pas lu plus loin que l'abstract d'un article... qui ne prennent pas le temps de poser au conditionnel une phrase qui l'était pourtant dans l'article d'origine
Et je sais que dans le champ de l’éthologie canine, ce savoir est jeune, fragile, mais passionnant de débats entre scientifique dans un premier temps, puis entre éducateurs dans un second temps. C’est ce savoir là que je veux transmettre, quitte à dire un jour "je me suis trompé, il y a mieux maintenant pour éduquer un chien, je suis prêt à renoncer à la plupart des actions que j'engageais avec un chien, prêt à me réinvestir dans le pluralisme des connaissances qui me restent à acquérir.
Ce que je constate depuis quelques années, c’est surtout un refus violent de la science. Un rejet en bloc des études, des articles, des avancées. Parce qu’ils ne les comprennent pas, ou qu’ils n’ont pas envie de les comprendre.
Et je vois aussi un autre phénomène : l’émergence de femmes dans ce métier. Souvent jeunes, souvent formées, souvent pédagogues. Elles ne cherchent pas à dominer. Elles cherchent à comprendre. Et ce n’est pas un hasard si elles sont souvent tournées vers l’éducation bienveillante. Et ça dérange. Ça dérange beaucoup. Parce qu’elles incarnent autre chose. Elles prennent la place. Elles remettent en question les dogmes. Et les anciens, les réacs, les “mecs à poigne”, ceux qui disent encore “faut une main de fer sans gant de velours”... ils paniquent.
Moi, je dis merci. Merci à ces femmes. Merci à ces éducatrices qui réfléchissent, qui doutent, qui observent, qui cherchent. Merci à celles qui veulent changer les choses, pas imposer leur autorité.
Et j'encourage tous les hommes qui sont réellement sensibles au bien être animal, qui sont prêt à se remettre en question en termes de bienveillance, en termes de violence physique ou psychologique, à tourner la page d'une masculinité beaucoup trop toxique dans tous les pans de la société.
Je veux que mon métier reflète cette vision : une vision d’équilibre. D’où le nom de mon activité, Équilibre Canin. Parce que je crois qu’aujourd’hui, les gens veulent vivre avec leur chien. Pas le dominer. Pas le contrôler. Pas le faire taire. Juste vivre avec lui, en harmonie, dans leur foyer, avec leur rythme de vie, leurs contraintes, leurs émotions.
Et parfois, ils ne savent pas comment faire. Et c’est normal. C’est notre rôle en tant qu'éducateurs et éducatrices de les accompagner, pas de les juger.
Je souhaite qu’ils comprennent leur chien. Qu’ils lui proposent des choix. Qu’ils apprennent à décoder ses signaux. Qu’ils prennent le temps. Qu’ils s’améliorent chaque jour, avec humilité. Pas avec des saccades. Pas avec des “non” gueulés toutes les 5 secondes, pas en se faisant défoncer par un autre chien, pas en le terrorisant avec une canette, même pas en lui lançant de l'eau sur la truffe , le feriez vous à votre enfant de 3 ans par exemple ?
Et surtout, je souhaite qu’ils arrêtent d’avoir peur de ne pas être “assez autoritaires”.
Car le respect ne se gagne pas dans la contrainte.
Le respect naît dans l’écoute, l’exemple et la clarté.
Alors non, je ne veux plus de ce monde masculinisé à l’extrême, saturé d’ego et de compétition. Je veux un monde où on éduque dans le calme, où on protège dans la nuance, et où on accompagne sans écraser.
Parce que le respect, ce n’est pas la soumission. Le respect, c’est la compréhension. C’est l’écoute.
Alors oui, je préfère une main tendue, qu’une main de fer.
Je préfère un regard curieux, qu’un regard dominateur.
Je préfère une relation équilibrée, fondée sur la confiance, pas sur la peur.
Et je continuerai à travailler avec ceux qui croient en ça.
Pas parce que c’est à la mode.
Mais parce que c’est juste.

