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Mon chien est parfait… sauf quand il voit un autre chien : que se passe-t-il vraiment ?
Pourquoi certains chiens réagissent fortement lorsqu’ils croisent un congénère ? Cet article explore en profondeur les différentes causes possibles de la réactivité canine : peur, frustration, expériences passées ou apprentissages conditionnés. Il s’appuie sur des références scientifiques solides et met en lumière les signaux d’alerte à repérer, sans proposer de méthode universelle, mais en invitant à une meilleure compréhension de chaque situation individuelle.
Cyril Abadie
5/5/20255 min read


Quand la réactivité ternit la relation
Je croise régulièrement cette phrase dans la bouche des propriétaires que j’accompagne : "Il est adorable à la maison, très proche de nous, obéissant même... sauf quand il voit un autre chien". Et soudain, tout bascule : aboiements, cris, tensions sur la laisse, panique. Parfois même, chute ou blessure. Cette réactivité, brutale et imprévisible en apparence, est l’une des premières causes de consultation comportementale. Et pourtant, elle est encore mal comprise.
Dans cet article, je souhaite prendre le temps de vous parler de ce que j'observe sur le terrain, de ce que la science nous apprend sur le sujet, et de la façon dont cette problématique doit être comprise dans sa complexité. Car la réactivité congénère n'est ni une tare, ni un caractère, ni une fatalité : c'est un signal, parfois un cri, que le chien envoie, et que nous devons d'abord comprendre avant de vouloir corriger. Ce n'est pas un symptôme à effacer, mais un langage à décrypter.
🔍1. Ce que la réactivité exprime : entre peur, frustration et conditionnement
La réactivité d'un chien face à ses congénères peut avoir plusieurs origines, et il est rare qu’elle soit monocausale. Le chien ne réagit pas seulement à un autre chien : il réagit à une histoire, à une accumulation d'expériences précédentes, à un environnement, parfois même à l'état émotionnel de son propre humain. C'est un réflexe qui peut être ancré dans la mémoire émotionnelle du chien, souvent renforcé au fil du temps par des expériences non résolues.
1.1. La peur sociale et les carences précoces
Un chiot qui, entre 3 et 14 semaines, n’a pas eu de rencontres positives, variées et progressives avec d’autres chiens, peut développer une peur chronique face à ses congénères. Cela ne signifie pas simplement qu’il est "peureux" mais que, neurologiquement, les circuits de tolérance et d’exploration sociale ne se sont pas bien construits.
Quand ces expériences ont manqué, ou ont été traumatisantes (ex : morsures, intimidations, isolement), le chien adulte se trouve en difficulté de lecture sociale. Il interprète le simple fait de voir un autre chien comme une menace, et c’est tout son système nerveux qui se met en alerte maximale. Là où un chien sécurisé observerait calmement, le chien carencé préfère aboyer, menacer, ou fuir. Cette peur peut prendre des formes variées, mais elle reste une base très fréquente des réactivités congénères observées.
Source : Freeman, L. M., et al. (2014). Developmental pathways and behavioral disorders in dogs. Journal of Veterinary Behavior, 9(4), 177-184.
1.2. La frustration d’interaction
Tous les chiens réactifs ne sont pas antisociaux. Bien au contraire : certains ont une forte appétence sociale, mais ne savent pas comment l'exprimer correctement. Ils tirent en laisse, vocalisent, sautent, car ils veulent aller au contact, et la laisse les en empêche. C'est alors la frustration, et non la peur, qui prend le dessus. Le chien explose parce qu'il est déçu, contenu, empêché dans son élan.
Cette forme de réactivité est parfois mal interprétée, car elle peut ressembler à de l'agressivité, alors que le chien ne cherche qu'à interagir. C’est pourtant un comportement très fréquent, notamment chez les jeunes chiens pleins d’énergie ou les chiens qui ont trop peu d’occasions de rencontres libres et saines. Mal encadrée, cette frustration devient un schéma répétitif et difficile à faire évoluer.
Source : Blackwell, E. J., et al. (2008). Journal of Veterinary Behavior, 3(5), 207-214.
1.3. Le conditionnement à l’explosion
Parfois, le chien n'est ni particulièrement peureux, ni en manque d'interaction, mais il a appris que chaque croisement avec un autre chien était source de stress. A chaque fois que le chien voit un congénère et qu'il se passe quelque chose de négatif (tension de la laisse, cris du maître, brusquerie, punition, ou même bagarre), son cerveau enregistre : "un chien = danger = il faut réagir". Ce conditionnement, même s'il n'est pas volontairement renforcé par l'humain, devient le déclencheur automatique d'une chaîne comportementale explosive. Plus ces scènes se répètent, plus elles s’ancrent dans le comportement du chien.
Source : Horwitz, D., & Mills, D. (2009). BSAVA Manual of Canine and Feline Behavioural Medicine.
⚠️2. Comment repérer les signes précurseurs
Avant l'explosion visible que redoutent tant les propriétaires, il y a des signes. Des signaux faibles, mais bien présents. Apprendre à les détecter permet d'agir à temps, et parfois de désamorcer l'ensemble de la scène.
2.1. Le regard figé
Un chien qui fixe un autre chien de façon prolongée, sans cligner des yeux, avec le corps tendu, est très souvent en phase de pré-activation. Il analyse la situation, se prépare à agir. Cette fixité est un marqueur fort de tension interne. Malheureusement, beaucoup d'humains y voient un "intérêt" ou de la "curiosité", alors qu'il s'agit d'une phase de blocage sensoriel.
2.2. Les micro-rigidités posturales
La posture du chien, légèrement modifiée, donne aussi des clés : oreilles raides, queue immobile, respiration bloquée. Le chien se crispe, se contracte, parfois de manière imperceptible. Ces signaux sont les précédents logiques du bond en avant ou de l’aboiement. C'est dans ces instants que la régulation peut se faire... si on les identifie à temps.
2.3. Les vocalises progressives
Certains chiens commencent par de légers gémissements, ou un grognement sourd. Puis la tension monte. On entend un aboiement de plus en plus saccadé, de plus en plus aigu. Ce crescendo vocal est la voix du chien. Il ne faut pas le taire, mais l'écouter pour ce qu'il exprime : "Je suis en train de perdre le contrôle."
🐕3. Une problématique qui n’appelle pas une recette, mais une compréhension personnalisée
Trop souvent, les propriétaires cherchent une "technique" pour régler la réactivité de leur chien. Or il n’y a pas de méthode miracle, ni de solution universelle. Chaque chien est unique, chaque humain l'est aussi, et c’est dans ce duo que se joue la solution. Là où certains chiens pourront progresser rapidement en retrouvant des distances sécurisantes, d’autres auront besoin de temps, de décodage, voire de reconstruction du lien avec leur humain.
Ce que je propose dans mon accompagnement, c’est avant tout une écoute éthologique, une observation fine, et une recherche de solutions adaptées au quotidien de chacun. Si vous vivez ces difficultés, n'attendez pas que la situation se fige ou s’aggrave. Je suis disponible pour échanger, analyser, comprendre, et peut-être construire avec vous un chemin de régulation, respectueux de votre chien comme de vous.
📚Conclusion : un appel à reconsidérer ce que "réagir" veut dire
La réactivité n’est pas une anomalie. C’est un langage, une manière pour certains chiens de dire qu’ils sont mal à l’aise, en danger, ou en détresse. Si nous continuons à la voir comme un échec, un caprice ou une faute, nous passons à côté de ce que l’animal nous dit. Le rôle d’un éducateur comportementaliste n’est pas d’imposer une norme, mais d’ouvrir un espace de compréhension.
La première victoire, ce n’est pas le croisement réussi. C’est le regard du maître qui change sur son chien.
📖Sources et références scientifiques
Freeman, L. M., et al. (2014). Developmental pathways and behavioral disorders in dogs. Journal of Veterinary Behavior, 9(4), 177-184.
Blackwell, E. J., et al. (2008). The relationship between training methods and behavior problems. J Vet Behav, 3(5), 207–214.
Horwitz, D., & Mills, D. (2009). BSAVA Manual of Canine and Feline Behavioural Medicine. British Small Animal Veterinary Association.
Dehasse, J. (2002). Le comportement du chien. Animalpsy.
Dreschel, N. A. (2010). The effects of fear and anxiety on health and lifespan in pet dogs. Applied Animal Behaviour Science, 125(3-4), 157-162.